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LA GUEUSE PARFUMÉE.

bord n’était qu’un caillou. Monsieur Mistre est là qui te surveille : — Courage ! Balandran, courage ! Encore six mois, encore un an ; puis, une fois la terre peignée, la vigne plantée, je viendrai, moi l’abbé, te faire souvenir que tu dois encore. Le notaire qui t’a prêté l’argent, — car tu emprunteras, Balandran, — le notaire (un ami de l’abbé) te réclamera d’un coup toutes les créances : capital, intérêts, papier timbré, le diable et son train ! Comment payer ? Ruiné, perdu, tu ne le pourras. Trop heureux alors si l’abbé, qui est charitable, consent à des arrangements, fait l’appoint de ce que tu dois, et veut bien reprendre, à prix de vente, sa cigalière dont tu auras fait un jardin.

Balandran marchait tête basse, comprenant, hélas ! toute la justesse des calculs sarcastiques du vieux paysan. Pourtant, arrivé au pied du rocher, devant la porte gothique de la ville, au moment de quitter le père Antiq, une espérance subite lui vint. La nuit tombante l’encourageait :

— Père Antiq, fit-il d’une voix étranglée par l’angoisse, vous avez raison, je suis un homme perdu, l’abbé ne m’épargnera point… Et tenez, dans trois jours, c’est 300 francs qu’il faut que je paye… Vous me connaissez, conseillez-moi, je trouverais des garanties…

Le père Antiq, le devinant, lui dit qu’en toute autre circonstance il aurait pu, quoique peu riche, faire cela pour le fils d’un ami : mais les amandes n’avaient