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LE TOR D’ENTRAYS.

puis les étendant sur le bat de l’âne pour qu’elles séchassent en chemin ; seulement, vois-tu, j’ai une idée… arri ! bourriquet, arri ! qu’il se fait tard… j’ai une idée : C’est qu’à vous autres artisans, la terre ne vaut rien, et qu’avant peu ton bastidon finira par te manger ta boutique.

— Le fait est, père Antiq, que dans ce maudit carré de terre j’ai enterré déjà force beaux écus.

— Ce n’est que demi-mal, si la terre te reste.

— Si elle me reste, père Antiq ?

— Balandran ! je vais te dire : Eh bien, sais-tu pour qui tu travailles ? Tu travailles pour l’abbé Mistre. Tu n’es pas le seul, console-toi. Mais cela nous fait rire, nous autres paysans, quand il se promène là-haut, canne à la main, dans les parcelles. Je le regardais, hier ; il ne s’est arrêté, le saint homme ! ni à mon champ, ni à celui de Mayenc, ni à celui de Figuière. C’est à nous, ça ! bien payé ; l’abbé Mistre n’a rien à y voir. Toi, Balandran, ton affaire est autre. Tu dois, Balandran, tu dois ! Le champ que tu travailles n’est pas tien. Fonds tes écus, saigne-toi et peine. Coupe les buis, abats les chênes, attaque les rochers avec la poudre, défonce le sol à six empans. Fais des fourneaux, brûle le gramen qui, la peste ! toujours repousse ; hardi ! arrache les grosses pierres, construis-en des murs, retourne-toi les ongles ; passe la terre et la repasse, rends-la fine comme sable, et que pas un caillou ne reste dans cet Ermas qui d’a-