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LA GUEUSE PARFUMÉE.

— Bien le bonjour, monsieur l’abbé.

— Bonjour, Balandran, bonjour ! Mais, sartibois ! te voilà chargé ; c’est ta récolte que tu portes ?

— Des pois, monsieur l’abbé, tout ce que j’ai eu ! répondit Balandran d’un air piteux en faisant sonner ses quinze poignées de pois secs au fond du bissac de toile grise.

Mais l’abbé Mistre ne voulut pas voir la mine affligée du pauvre homme.

— La culture, c’est le diable, monsieur l’abbé ; jamais on ne saura ce que j’ai enterré d’argent dans ce malheureux coin du plan d’Entrays !

— Ça te profitera, Balandran.

— Dieu vous entende, monsieur l’abbé !… Quand vous m’avez vendu la parcelle, je croyais cependant avoir bien établi mon compte : tant pour le premier payement, quelques écus pour défricher et mettre en état, les petits bénéfices de ma boutique, ce que j’épargnerais en café, en goûters d’auberge… et, tout calculé, je me voyais déjà le maître d’un joli bastidon, avec un bout de treille et un petit champ autour, où je pourrais aller, mon carnier me battant le dos, et un col de bouteille dépassant, crapauder un peu le dimanche.

— Païen de Balandran !

— Merci, monsieur l’abbé… Seulement, s’il faut tout vous dire, j’avais eu le tort de compter sur la récolte… La récolte n’arrive guère… Nous ne savons