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LA GUEUSE PARFUMÉE.


dans la zone empourprée du ciel, claires, presque transparentes, et comparables à un chapelet d’améthystes enchâssées dans un bracelet d’or.

Ce spectacle me remua, et songeant à toutes mes déconvenues :

— Hélas ! Jean-des-Figues, me disais-je, que de peines tu pris pour être malheureux, quand il était si simple d’attendre que par un soir pareil, sous ce ciel éclatant plus beau que tous les palais, la Richesse et la Poésie, et l’Amour dans la personne de Roset, vinssent te trouver à ton champ de la Cigalière. Mais où l’amour est-il pour moi maintenant ?

A ce moment, tout au bas du champ, derrière la haie sauvage de fenouil, de fusains et de roseaux qui le sépare de la route, un grand tapage me tira de ma rêverie.

Arri !… Arri !… Balthazar !… criait gaiement une voix de femme, et les coups de bâton tombaient dru comme grêle sur le cuir d’un vieil âne gris. L’âne secouait ses longues oreilles sous l’ondée, mais n’en avançait pas d’un pouce.

— Balthazar, Arri !

O surprise ! je crus reconnaître la voix. C’était Roset ou son fantôme que je voyais, dans l’or du couchant, rosser Balthazar d’une main légère. Roset ne fit qu’un saut du dos de son âne à mon cou.

— Quoi, Roset, vous n’êtes point morte ?… Je n’osais plus la tutoyer.