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JEAN-DES-FIGUES.


étincelles de mon cerveau s’étaient envolées ; tandis que dans mon cœur je sentais enfin brûler, large comme la flamme d’une lampe funéraire, l’amour que j’avais toujours eu pour Roset.

Cependant, au milieu de la joie causée par ma convalescence, je remarquai que tout le monde devenait triste subitement, si par hasard je faisais quelque allusion à mon figuier ou à Roset morte.

— Chut ! chut ! petit, disait mon père, on te défend de parler de cela !

Ces façons me mettaient en colère. Étais-je donc un enfant, pour m’imposer silence de la sorte ? Aussi pris-je la résolution de garder mes douleurs pour moi, et de ne plus parler de Roset à personne.

On me croyait guéri, ils appellent cela être guéri ! mais toutes les fois que j’étais seul, quand personne ne me voyait, j’allais m’asseoir sous mon figuier et je passais ainsi, pleurant et rêvant, de longues heures.

Un soir, j’étais là au soleil couchant ; on venait d’arroser le pré, et la source tombant de haut dans le réservoir sonore et vide à moitié, mêlait son bruit plus mélancolique aux mille bruits qui montent des champs ; l’image réfléchie du figuier se peignait magnifiquement au fond de l’eau, sur un fond d’or nacré, comme un laque chinois, et quand je relevais les yeux, je voyais devant moi, tout au bord de l’horizon, les Alpes italiennes, qui, revêtues par le soir et le soleil de flottantes vapeurs violettes, s’alignaient