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JEAN-DES-FIGUES.


rient et meurent, librement comme ils l’entendent ? N’est-ce pas…

Au risque de me faire un ennemi, j’interrompis le disert substitut.

— Pardon ! mais quand un bohémien vient à mourir ?

— Si c’est dans la ville, monsieur, on porte le mort à l’hospice qui se charge des sépultures ; mais, vous comprenez, s’il meurt en plein champ, sur une route, alors, psitt… Allez-y voir ! Et là-dessus, de l’index de sa petite main grasse, le joli substitut décrivit en l’air un geste qui me donna le frisson.

Est-ce qu’on sait ?… Allez-y voir !… Ces deux courtes phrases me bourdonnèrent longtemps dans le cerveau, se cognant aux parois comme deux hannetons fantastiques.

Quelle aventure étrange si mes pressentiments ne me trompaient pas : Roset mourant par ma faute, assassinée peut-être (ces bohémiens sont capables de tout !) et ensevelie (remarquez, ici, le doigt de la Providence !) sous le même figuier où j’étais né.

Je fis un rêve tout éveillé, en descendant vers la rue des Couffes.

Je me voyais à la place de mon père, dans le bastidon de la Cigalière, l’œil collé au trou du volet. Le jour levant blanchissait à peine ; les vignes, les champs étaient déserts ; les cultures, laissées de la veille, attendaient.