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LA GUEUSE PARFUMÉE.


je me calme, je me mets en route au hasard, Nivoulas me suit, en pleurant toujours, et nous voilà battant le pays de compagnie.

Pas plus de bohémiens, pas plus de Roset que sur la main.

Aurais-tu rêvé ? me demandais-je quelquefois. Et le fait est que ce campement, tel que je me le rappelais, à la nuit tombante, les feux allumés, les trois sorcières, l’ombre de deux ânes et d’un mulet noire sur un ciel encore clair, toutes ces choses et Roset au milieu, presque morte, ressemblaient moins à une aventure réelle qu’aux images que se crée un cerveau malade. Nivoulas, dont la présence seule attestait que je n’avais pas rêvé, Nivoulas, long comme il était, et rendu tout à fait diaphane par la douleur, prenait lui-même à certains moments des apparences fantastiques.

Enfin, découragés, nous nous séparâmes. Nivoulas s’en alla sans vouloir me donner la main ; moi, je rentrai à Canteperdrix, harassé, la tête perdue, sentant mille débris se heurter dans le naufrage de ma raison : noires épaves de mes systèmes fracassés, beaux rêves réduits en miettes qui flottaient et roulaient sur l’eau, lamentables et magnifiques, pareils, aux poulaines dorées des vaisseaux du roi après le désastre de la Hogue.

Comme je refusais toute explication sur les motifs de mon absence, mon père me justifia aussi bien