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LA GUEUSE PARFUMÉE.


maint endroit par le soleil, les coups de bâton et la rosée. Outre mon père, qui était lourd, les couffins de sparterie et le bât, on le chargeait toujours de quelque chose encore, sac de semence ou tronc d’amandier, sans compter la pioche luisante mise en travers sur son cou pelé. Mais toute cette charge ne l’empêchait pas de filer gaiement, et son grelot tintant à chaque pas faisait un bruit plus joyeux que mélancolique.

Nous arrivions au champ ; mon père et ma mère, suivant la saison, se mettaient aux oliviers ou à la vigne ; on déchargeait l’âne, on attachait la chèvre quelque part, et, comme je n’étais pas encore bien solide sur mes pieds, j’avais mission de rester près d’elle à lui tenir compagnie, regardant les lézards courir sur le mur de pierre sèche et voler les sauterelles couleur de coquelicot.

Dans l’après-midi, au gros de la chaleur, nous cherchions un peu d’ombre pour manger un morceau et dormir une demi-heure. Par malheur, la campagne de mon pays est une campagne où l’ombre est rare ; aussi nos paysans ne font-ils pas de façons avec le soleil.

Je les vois encore par bandes de trois ou de quatre, couchés en rond sous l’ombre grêle d’un amandier ; le pain de froment s’est durci à la chaleur et le vin a eu le temps de tiédir dans le petit fiasque garni de paille tressée ; la terre brûle la culotte ; l’amandier,