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LA GUEUSE PARFUMÉE.

« Décidément, ce Nivoulas m’obsède, mais j’ai mon idée. J’ai rencontré, ce matin, mon premier mari, Janan, toujours noir comme un Maure, et depuis il rôde autour de l’hôtel. Si je me mettais en ménage moi aussi ! Ce serait drôle, n’est-ce pas, Jean-des-Figues ? »

Au-dessous du mot « drôle », près de la signature, il y avait une petite tache pâle, une larme, en forme de poire de bon chrétien.

Je n’attachai pas grande importance à ce post-scriptum ni à cette larme. Je savais la belle capable de tous les caprices, et même au besoin de se faire bohémienne par dépit ; mais je savais aussi que ces caprices ne duraient pas, et j’espérais bien, après une nouvelle lune de miel sous une arche de pont, d’apprendre bientôt sa rentrée triomphale dans Paris.

Cependant mon mariage allait son train, et vous pensez bien qu’il ne m’enthousiasmait guère. J’essayai bien d’abord de me monter la tête à l’endroit de mademoiselle Reine ; mais, outre que le souvenir de Roset me poursuivait toujours, je ne tardai pas d’un autre côté à m’apercevoir que Reine, mon blanc fantôme de marquise, le beau lis virginal plein de fraîche rosée, était devenue tout doucement pendant mon absence à Paris une vraie petite cocodette de province ; car il y a maintenant des cocodettes partout, grâce aux chemins de fer et aux journaux de mode. Mademoiselle Reine avec quatre ou cinq de ses