Page:Arène - La gueuse parfumée - récits provençaux, 1907.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
165
JEAN-DES-FIGUES.


trouvais seul au milieu du salon déserté, face à face avec M. Cabridens qui me tenait prisonnier dans un fauteuil et commençait un discours de sa voix de comice agricole.

J’avais peur…

Grave, presque ému, le gros M. Cabridens me parlait de biens paraphernaux et d’amour partagé, de mes succès, de l’héritage de misè Nanoun, des innombrables vertus de Reine.

Moi, j’avais toujours peur. Je devinais que ce maudit habit noir n’était pas pour rien dans le mystère. Sans bien voir encore de quoi il s’agissait, je commençais à vaguement regretter qu’une quatrième averse survenant ne m’eût pas une bonne fois arrêté en route.

Puis, tout d’un coup, à un mot de M. Cabridens, un éclair me traversa le cerveau ; je compris, et, confus, je m’enfonçai dans le fauteuil pour essayer de cacher mes basques.

Oh ! cet habit ! dans quelle horrible situation il me mettait ! J’aurais voulu le voir aux cinq cents diables ! Figurez-vous que, trompé comme tout le monde, comme le quatuor, comme mademoiselle Reine et comme madame Cabridens, par la solennité extraordinaire de mon costume, le bon notaire s’était imaginé que je venais demander sa fille en mariage.

— Mais parlez, mon ami, parlez ! croyez-vous que je sois un ogre ?