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LA GUEUSE PARFUMÉE.


cœur, en claque et en escarpins de bal, sur la grande route encore humide dont les innombrables petits cailloux reluisaient gaiement au soleil.

— Tiens ! tiens ! disaient les gens intrigués, M. Jean-des-Figues, avec son habit noir, qui s’en va droit à Maygremine ! Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ?… Hélas ! tout entier à son idée fixe, Jean-des-Figues n’entendait rien.

Je rencontrai Reine dans l’avenue. En me voyant, elle rougit beaucoup, mais ne m’évita point, comme elle faisait d’ordinaire quand elle était seule. Elle me donna même sa main à baiser : — « C’est presque permis maintenant », semblait-elle dire.

Je ne m’expliquais pas ce subit changement.

Un instant après, ce fut bien mieux : mon habit noir et moi, tombions en plein quatuor. Alors, subitement, sans respect pour Mendelsohn, chose inouïe ! tous les archets de s’arrêter ! Comme par l’effet d’une secousse électrique, un même sourire, à la fois malicieux et discret, parcourut en même temps tous les visages ; pupitres, cahiers de musique, archets, carrés de colophane et violons rentrèrent silencieusement dans les boites et dans les armoires ; les exécutants eux-mêmes s’évanouirent, et, avant que la surprise m’eût permis de placer un mot, j’avais vu mademoiselle Reine disparaître, comme effarouchée, madame Cabridens la suivre, en me faisant un signe d’intelligence auquel je ne compris rien, et je me