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LA GUEUSE PARFUMÉE.

Mais le conducteur ne m’entendit point. Heureusement pour moi, car c’étaient les quatre ou cinq plus méchantes personnes de la ville, et ils eussent, selon toute apparence, assez mal reçu mes effusions.

Mon brave homme de père me donna à peine le temps de nous parler. Il fallut partir, il fallut le suivre, il fallut aller admirer les embellissements de la Cigalière. Tout y était fort beau en effet et conforme à la description enthousiaste que m’en avait donné sa lettre : le bastidon cubique et blanchi à la chaux, la fontaine sous la fenêtre, et le figuier dont les larges feuilles buvaient l’eau froide du vivier.

— Et Blanquet ? demandai-je en me rappelant nos repas à l’ombre et les bons sommeils d’autrefois.

Blanquet n’était plus là. Mon père, le trouvant vieilli, l’avait troqué, la foire d’avant, contre le mulet d’un bohémien. Il croyait ainsi faire un coup superbe. Mais, par un châtiment du ciel, le mulet se trouva être borgne des deux côtés. Aussi ne parlait-on plus à la maison de ce bon, de ce brave, de ce laborieux Blanquet, que les larmes aux yeux, et du brigand de bohémien que l’injure à la bouche.

— Si c’était le Janan de Roset ! pensai-je, au portrait que me fit mon père du vendeur de bêtes aveugles.

Et cela me donna envie de rire.

Ici, le lecteur va m’interrompre.

— Comment, monsieur Jean-des-Figues, dira-t-il,