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LA GUEUSE PARFUMÉE.


apporter dans les plis de sa robe le parfum des élégances parisiennes !

Deux anecdotes maintenant, pour bien montrer toute ma folie :

De sa vie d’autrefois, Roset avait gardé le goût des caroubes sèches. La caroube, chez nous, est le régal des ânes ; les polissons non plus ne la méprisent pas, et je me rappelle qu’en mon temps j’éprouvais du plaisir à tirer de toute la force de mes dents sur cette gousse résistante pareille à une lanière de cuir qui serait sucrée. Quoi qu’il en soit de la valeur gastronomique des caroubes, Roset les aimait, et un soir à la Revue, elle nous fit en riant l’aveu de ce goût bizarre. Dès le lendemain, elle recevait un paquet de belles caroubes, puis un autre la semaine suivante, et toujours ainsi tant que son caprice dura.

Se procurer des caroubes à Paris n’était pas alors chose facile ; j’avais eu besoin de la seconde vue des amoureux pour en déterrer un tonneau chez un épicier provençal de la banlieue, rival inconnu du père Aymès.

Aussi cet envoi anonyme intrigua-t-il beaucoup la chère Roset :

— Qui diable m’envoie ces caroubes ?… C’est un tel, sans doute… non, un tel… mon vieux Grec de Marseille, peut-être… Et la voilà échafaudant les plus beaux rêves là-dessus, et riant !