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JEAN-DES-FIGUES.

cavaliers, malgré mes professions de foi magnifiques, je me réveillai un beau matin tout bêtement et tout bourgeoisement jaloux.

Jaloux de Roset ! sans oser le dire ! On peut se figurer le supplice. Et Roset qui ne se gênait pas, Roset qui, sous mes yeux, le plus naturellement du monde, faisait succéder un Mingrélien au Valaque, puis beaucoup de personnes au Mingrélien !… Vous auriez cru parfois qu’elle y mettait de la malice.

Passe encore pour les mariages officiels. Mais tous, mes amis eux-mêmes, voulurent être de la fête : — Jean-des-Figues ne se fâchera pas, il a trop d’esprit ! Et Jean-des-Figues ne se fâchait pas. Ils me prenaient quelquefois pour confident, me déclarant Roset charmante ; et Jean-des-Figues, la rage au cœur, se mettait à danser de plus belle à ces noces fantastiques qui recommençaient tous les jours.

Je devins follement jaloux, jaloux de tout le monde, jaloux de mes meilleurs amis, des Mingréliens et des Valaques, jaloux de Mario reparue, jaloux même de Nivoulas qui ne me parlait plus depuis le scandale de ma trahison. Mais quel tonnerre d’éclats de rire, quel ouragan d’incrédulité, si j’avais dit que moi Jean-des-Figues, le poète sceptique et libertin, j’étais amoureux et jaloux, jaloux à la tuer, amoureux à ne pas lui survivre, de cette charmante fille si bien coiffée qui daignait, au milieu de ses triomphes galants, se souvenir parfois de ses vieux amis et nous