Page:Arène - La gueuse parfumée - récits provençaux, 1907.djvu/158

Cette page n’a pas encore été corrigée
148
LA GUEUSE PARFUMÉE.

si j’en avais été sûr, je n’aurais voulu le laisser voir pour rien au monde. Amoureux ? Un poëte lyrique ! Cela fait rougir rien que d’y penser.

Roset, elle, réglait la même et prenait mon amour comme il venait. Il n’eût tenu qu’à moi, les premiers jours, de lui faire planter là son petit hôtel, son Valaque et ses robes à queue. Sans bien comprendre peut-être la nécessité du sacrifice, la chère enfant s’y fût néanmoins résignée pour me faire plaisir. Mais, voyant mon indidérence à cet endroit, elle fut ravie, et trouva charmant de pouvoir garder tout ensemble Jean-des-Figues, le Valaque et le petit hôtel.

— Fi donc ! monsieur, ce partage est indigne !

Sans doute, si je l’avais aimée. Mais puisqu’il était convenu que je ne l’aimais pas, puisque mes amis le savaient, puisque je le racontais à qui voulait l’entendre, ce partage devenait simplement une des mille petites gredineries donjuanesques que l’usage permet aux honnêtes gens ; et j’avais le droit de rire et d’être fier en voyant, après nos querelles, Roset me revenir toujours la première, soit qu’elle m’aimat réellement, soit plutôt qu’elle ne pût résister au désir de me montrer un diamant nouveau ou bien quelque robe merveilleuse.

Par malheur, s’il était facile de persuader aux autres que mes sentiments envers Roset n’allaient pas au delà du caprice, il l’était beaucoup moins de me le persuader à moi-même. Malgré mes grands airs