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LA GUEUSE PARFUMÉE.


fer ! Nous sautons du wagon aux premiers arbres, et nous voilà partis à la découverte d’un bois.

— En voici un qui sera complet avec deux amoureux, s’écriait Roset de temps en temps, il est déjà plein de fleurs et de tourterelles ! Mais, au bout d’une heure, on y découvrait des peintres, il fallait s’en aller plus loin.

Nous passâmes ainsi les huit plus beaux jours dont je me souvienne, mais presque sans m’en douter, car notre pauvre nature humaine est ainsi faite, que si le regret n’existait pas, le bonheur n’aurait de nom dans aucun dictionnaire. Loin des autres, tout à Roset, je me laissais aller à être amoureux naïvement. Je ne m’occupais pas de savoir, comme à Canteperdrix, si mon amour ressemblait bien à celui de pauvre Mitre. Grisé par l’odeur qu’ont les bois au printemps, je ne m’inquiétais guère non plus des railleries qu’un pareil retour de passion n’aurait pas manqué de provoquer parmi mes amis du cénacle, et je crois, Dieu me pardonne, que Roset me demandant comme autrefois : — Et si je te quittais, Jean-des-Figues ?… Jean-des-Figues aurait répondu : — Si tu me quittais, Roset, j’en serais malheureux autant que Nivoulas !

Mais Roset ne me le demanda pas, Roset avait bien autre chose à faire. La grande nature la transportait ; aux moindres ondulations du terrain : — Tiens, ça monte !… Tiens, ça descend !… Et c’étaient des éclats