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JEAN-DES-FIGUES.


et comique humiliation des poëtes et de la poésie ! Cet hôtel où je m’éveillais, ma fantaisie l’avait créé tout entier depuis la première marche de son escalier de marbre jusqu’à la plus haute ciselure de son toit doré ; le galant encadrement des glaces, les plis amoureux des tentures, j’avais tout trouvé, tout imaginé ; cet oreiller mignon, c’est moi qui en avais choisi la dentelle, et ce peignoir de soie blanche où Roset s’enveloppait si bien, c’est moi encore qui en avais compté les broderies à jour, les nœuds de rubans et les échancrures. Or, pendant que je soupirais ainsi après un paradis chimérique, le Valaque prenait mon rêve tout fait, tranquillement, et pour rendre la dérision plus amère, dans cet écrin qu’il me volait, qui installait-il ? Roset, ma petite perle noire !

— Ah ! nom de sort ! m’écriai-je en faisant voler le malheureux livre par la fenêtre.

Roset, qui ne comprenait rien à cette subite fureur, s’imagina que j’étais jaloux, et fut ravie :

— Ne pense plus au Valaque, me dit-elle ; c’est moi qui ai eu tort de t’en parler. Mais si tu veux, je vais demander huit jours de congé à mon théâtre, et nous les passerons tous deux à la campagne.

Ce projet ne me déplut point. Un bois, quand il s’agit d’encadrer une jolie fille, vaut les plus riches hôtels du monde ; et là, je n’avais pas à craindre que l’ombre du Valaque m’importunât. Vite en chemin de