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LA GUEUSE PARFUMÉE.

— Rien que ça de luxe ! disait Roset.

Sans doute son luxe m’étonnait, mais ce qui m’étonnait plus que tout, c’était une sensation bizarre qui, depuis quelques instants, s’emparait de moi et que j’essayais en vain de secouer.

J’étais bien sûr de ne m’être jamais trouvé en bonne fortune pareille, bien sûr de n’avoir jamais mis le pied dans le petit hôtel de Roset. Et pourtant rien ne m’y paraissait nouveau : les fleurs des tapis, les moulures du plafond, les arabesques des murailles, je les reconnaissais comme si je les eusse vus déjà quelque part. Et chaque fois que le petit nègre, nous précédant, soulevait une nouvelle portière, je devinais ce qu’elle allait laisser voir.

— De deux choses l’une, me disais-je : ou bien il faut croire, comme Platon, aux existences antérieures, ou bien tu es ivre, Jean-des-Figues. Et trouvant la seconde hypothèse plus probable, je m’étudiais à marcher droit.

Enfin, de portière en portière et d’étonnement en étonnement, nous arrivons dans un boudoir où Roset, un moment disparue, me revint bientôt dans le plus galant déshabillé du monde.

Pour le coup, je renonçai à comprendre. Où diable avais-je vu Roset vêtue ainsi avec si peu de pudeur et tant de dentelles ? Ce n’était, certainement, ni chez madame Ouff, ni à Maygremine ! Et ce lit, ce nid d’amour, très-haut sous des rideaux très-bas, et cette