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JEAN-DES-FIGUES.


offert un dîner somptueux, et je méditais au meilleur moyen de passer la nuit rose. Irai-je d’abord au théâtre ou au bal ? L’idée de ces joies désirées me causait par avance une vive émotion.

On trouvera invraisemblable qu’après avoir vécu plus d’un an à Paris, en plein monde littéraire, moi Jean-des-Figues, le sceptique et le désillusionné, j’en fusse encore à considérer une soirée au Château-des-Fleurs ou à Mabille, et le banal souper qui s’ensuit, comme le nec-plus-ultra des jouissances parisiennes. A cela je n’ai qu’une chose à répondre : j’étais ainsi !

D’ailleurs, parmi ceux-là qui vont rire de ma candeur provinciale, combien de débauchés par à peu près et de roués aussi candides que moi ? Coudoyer le plaisir sans jamais le prendre sous le bras, voilà le sort d’un tas de braves gens de ma connaissance. Toujours occupés du Paris élégant, ils en savent les héros, ils en saluent de loin les héroïnes, et finissent généralement par croire qu’ils ont beaucoup connu toutes sortes de choses dont ils ont seulement beaucoup parlé. Aussi je les comparerais volontiers, n’était l’humilité de l’image, à ces garçons des cabarets à la mode qui s’imaginent être de grands viveurs parce que quelquefois, en servant les petits salons, il leur sera arrivé de mettre l’œil à la serrure.

Jean-des-Figues n’avait point ce travers. Il était donc fort ému quand, le cœur plein de poétique concupiscence, il entra, pour se réjouir préalablement