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LA GUEUSE PARFUMÉE


lourds joyaux et portant des colliers de femme autour des reins.

J’en adressai le premier exemplaire à Canteperdrix avec une insidieuse dédicace accompagnée d’un appel de fonds, et j’attendis la réponse assez piteusement, malgré les articles, les lectures et le bruit que faisait mon livre autour du café que nous fréquentions. On a beau l’orner de rubans aux couleurs joyeuses, comme nous disait Bargiban, la queue du diable, c’est toujours la queue du diable quand on la tire ! Enfin, une lettre arriva :

« Canteperdrix, quatorze d’avril 1865

« Mon cher garçon,

« J’ai lu ton livre et ne t’en fais pas compliment. Depuis avant-hier que Roman, le facteur, nous l’apporta, c’est comme si l’enfer était entré rue des Couffes ; ta mère pleure, tes tantes pleurent, tout le monde pleure, et sœur Nanon, qui ne parle plus d’héritage, se signe toujours en parlant de toi.

« Qu’est-ce que c’est qu’une vie pareille, Jean-des-Figues ? Qu’est-ce que c’est que toutes ces femmes dont il s’agit dans tes chansons ? Et cette belle image où tu t’es fait peindre sans chemise ! T’imagines-tu que je vais te tenir longtemps là-haut pour mener ce train-là, tandis que je suis ici à me cuire au soleil et à travailler comme un satyre ?