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LA GUEUSE PARFUMÉE.


il savait la nouvelle, et il n’entrait pas, essayant toujours d’espérer. Sa faiblesse me fit sourire. Cependant, chose singulière, la clef tremblait dans ma main en cherchant la serrure :

— Mais vois donc, Nivoulas, disais-je, vois donc ce que c’est que d’être nerveux !

Quel spectacle quand nous eûmes ouvert ! Le lit défait, la chambre vide, et çà et là, par terre, sur les chaises, un éventail, des gants déchirés, une robe, que Roset avait laissés en s’envolant, comme un oiseau ses plumes aux barreaux de la volière. Du coup qu’il en reçut, Nivoulas alla s’asseoir dans un coin. Nivoulas s’asseyait toujours quand il était triste, c’était sa façon de pleurer.

— Dressons-nous, Nivoulas, et soyons homme !… Mais Nivoulas ne bougeait pas.

— Regarde-moi, Nivoulas, est-ce que je m’assieds, est-ce que je pleure ? Dieu sait pourtant si Jean-des-Figues !… Poussé par cette manie de confidences qui possède les amoureux, j’allais tout dévoiler sans y prendre garde. Déjà Nivoulas, inquiet, relevait la tête à mes paroles et commençait à développer sa longue taille ; mais je m’arrêtai à temps, je changeai mon discours, et racontant à Nivoulas ma belle passion de Canteperdrix, lui étalant avec ingénuité mes cicatrices imaginaires :

— Guéris-toi, Nivoulas, guéris-toi de Roset, comme je me suis guéri de Reine ; mais fais mieux que