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JEAN-DES-FIGUES.


par les sottes lectures, rêvant d’être à leur tour une de ces grandes courtisanes perverses qu’elles avaient vu de loin passer au bois ou aux courses et dont le roman et le théâtre leur présentaient sans cesse l’idéal, elles affectaient l’air positif et froid des filles à la mode, adoraient le fiacre par envie du huit ressorts, parlaient couramment louis, obligations et parures, quoiqu’elles n’en eussent aperçu jamais qu’à la vitrine des joailliers et derrière les grilles des changeurs, et prenaient des airs à la Marco pour se draper, avec le plus beau sang-froid du monde, dans un châle quadrillé de quatorze francs.

Ces demoiselles eurent bientôt fait d’entreprendre l’éducation de Roset ; Mario surtout, une Parisienne petite et pâle, éclose, par je ne sais quel miracle, comme une violette blanche sans parfum, entre deux pavés du faubourg. Roset ne pouvait plus se passer de Mario, mademoiselle Mario me jetait des regards qui me faisaient songer au petit Turc et à ses bizarres jalousies, je sentais venir un malheur.

— Que ferais-tu, Jean-des-Figues, si je te quittais ? me demanda Roset un beau jour.

Jean-des-Figues répond par je ne sais quelle impertinence cavalière, bien loin, certes, de sa pensée ; mais son rôle de sceptique le voulait ainsi.

— Oh ! j’en étais sûre que tu ne me pleurerais seulement pas, fait Roset moitié avec dépit et moitié avec joie, puis d’un ton de voix attristé :