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LA GUEUSE PARFUMÉE


y excellait, et comme ce garçon m’avait prise en amitié, il voulut que je fusse son élève.

Nous nous en allions tous deux sur les prés et champs de foire ; Janan montrait le cheval ou l’âne aux paysans, moi, je me tenais à la bride, et c’était, j’ose le dire, le poste le plus délicat ; il s’agissait, vous comprenez, tandis que Janan vantait l’âge, la qualité, et maquignonnait notre marchandise, il s’agissait d’empêcher que personne n’en regardât les yeux de trop près. On essayait bien quelquefois, mais alors sans avoir l’air de rien, je secouais la bride, je faisais danser la bête, je criais, je tournais, je bourdonnais comme une mouche autour de la tête menacée, tant qu’à la fin le pauvre diable d’acquéreur assourdi, vidait ses beaux écus sur l’herbe, et emmenait triomphalement un cheval aveugle chez lui. Nous le rachetions le lendemain pour le revendre encore, pendant trois mois nous ne fîmes qu’acheter et vendre le même cheval.

Une fois pourtant le cheval ne se vendit pas. Janan m’avait donné des distractions, dit Roset en baissant les yeux… Et quand nous fûmes à souper, il me demanda en mariage pour le soir même.

— Pour le soir même, Roset ?

— Cela vous étonne, Jean-des-Figues ! C’est la coutume chez les bohémiens, mais je vous étonnerais bien davantage, si je vous disais que nous passâmes notre lune de miel, Janan et moi, sous le pont du Gard.