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LA GUEUSE PARFUMÉE


sortaient de tous les trous de la boîte trois femmes, un vieux à barbe blanche, un grand garçon de vingt ans, celui qui conduisait, brun comme une datte, et farouche ! puis sept ou huit marmots, garçons et filles, en chemise courte et pieds nus, que je n’avais pas aperçus d’abord au milieu des ustensiles et des paquets de linge.

Tout ce monde-là causait et fumait en marchant. On profita d’une montée plus longue que les autres pour me faire raconter ce que je sais de ma naissance, et comment une bohémienne se trouvait ainsi sur la grand’route, en souliers fins, avec une robe à fleurs. Car, si vous vous le rappelez, Jean-des-Figues, interrompit-elle d’un accent de doux reproche, j’avais mis ce jour-là ma belle robe et mes souliers neufs !

Dès les premiers mots de mon récit, le vieux patriarche tendit l’oreille, et quand j’eus dit que je ne me connaissais ni pays, ni père, que je me rappelais seulement avoir voyagé autrefois dans une petite voiture toute pareille qui nous menait, l’hiver du côté de la mer, l’été du côté des montagnes ; quand j’eus ajouté qu’un jour à Canteperdrix, les gamins m’avaient jeté des pierres, parce que je m’en revenais de chez le boulanger, tranquille, ma chemise, mon seul vêtement, relevée, avec un pain de trois livres dedans ; que ce jour-là, je ne sais pourquoi, j’avais trouvé la voiture partie, et qu’alors je m’étais assise,