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LA GUEUSE PARFUMÉE


venablement préparé, Nivoulas nous déclara qu’il allait écrire une œuvre forte, brutale et carrée, une œuvre moderne, vécue et convaincue, une œuvre enfin d’homme bien portant, qui n’aurait rien de commun avec nos corruptions et nos mièvreries ; et pour mieux prouver que ce n’étaient point là projets en l’air, il porta le soir même son premier chapitre à l’imprimerie et se mit à boire la bière, cela lui barbouilla l’estomac quelquefois, dans un gobelet d’un demi-setier, à la façon pantagruélique.

Ce premier chapitre ne parut jamais. La Revue publia des critiques de Bargiban, des vers de moi, quelque chose de tout le monde ; Nivoulas seul n’y eut jamais rien. Comme par un fait exprès, toujours au moment de mettre sous presse, quelque accident imprévu venait renvoyer d’une fois encore l’apparition du malheureux chapitre, et les livraisons succédaient aux livraisons, portant invariablement sur leur couverture cette annonce irritante et mélancolique : — A paraître dans notre prochain numéro le premier chapitre du roman si impatiemment attendu, la vie en rouge, par M. Nicolas Nivoulas. Cette œuvre musculeuse et saine…, etc… etc.

Ainsi dépouillé de sa revue, le pauvre garçon n’osait se plaindre ; et, comme seul de toute la bande je lui témoignais quelque amitié, plus d’une fois il me fit le confident des amertumes de son âme :

— Ils me refusent tout, monsieur Jean-des-Figues ;