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JEAN-DES-FIGUES.


toyants et sonores, de mots de toutes les couleurs. On voyait des passages gais où il n’y en avait que de bleus, d’autres tristes où il n’y en avait que de jaunes. Je me rappelle une pluie composée des plus froides, des plus claires, des plus fraîches syllabes que pût fournir le dictionnaire de M. Littré, et certain coucher de soleil dont chaque vers pétri de mois empourprés et bruyants flamboyait à l’œil et crépitait comme un brasier d’incendie.

Vers et théorie me valurent de grands succès aux lectures préparatives du cénacle. Je trouvai un titre, un éditeur. Quelqu’un qui connaît le secrétaire de Sainte-Beuve me fit espérer une goutte d’eau bénite pour le jour où monseigneur de Montparnasse, officiant pontificalement, donnerait sa bénédiction aux poetœ minores agenouillés. Un Athénien de Paris, tout fantaisie et malice, fit de moi un portrait à la plume où il disait que j’étais beau comme un jeune héros, et que si j’avais le bout du nez un peu de travers, c’était, esthétiquement, une grâce de plus. On mit mon nom dans quelques journaux ; des gens chevelus me saluèrent. Je n’étais plus Jean-des-Figues tout court, j’étais devenu le jeune poëte Jean-des-Figues, et je n’avais mis que trois mois à cela.