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LA GUEUSE PARFUMÉE

— « La poésie, disait-il, n’est pas, comme on l’a cru, un art purement intellectuel ; elle est art sensuel par bien des côtés, voisine à la fois de la musique et de la prose. La mission du vers ne se borne pas à suggérer des idées par des phrases, le vers éveille aussi des sensations par des images et des sons. »

Et il citait, le brigand, fort spécieusement je l’avoue, nombre de vers tirés de nos plus grands poëtes, vers d’un sens plus qu’obscur, mais d’un superbe effet, où certains mots sans valeur logique prennent une valeur musicale, et n’ayant pas d’autre signification qu’une note, évoquent la même sensation qu’elle :

Les seins étincelants d’une folle maîtresse.

Étincelant ne veut rien dire, et pourtant qu’il fait voir de choses !

— « Suivons donc, s’écriait mon Bargiban enthousiasmé, suivons le novateur Jean-des-Figues ; et tandis que, sous les mains de Wagner, la vieille musique s’infuse un sang nouveau en se taisant aussi littéralement parlante et significative que la poésie, pourquoi la poésie, de son côté, n’essayerait-elle pas de ravir à la musique quelque chose de sa divine paresse et de son harmonieuse inutilité ? »

J’écrivis un poëme de ce style, et ce n’est pas celui qui réussit le moins. De sens, naturellement pas l’ombre. Mais les pages y ruisselaient de mots cha-