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FRIQUETTES ET FRIQUETS

cathédrales ; la bardane amie des terrains vague où se passèrent, loin de l’école, les plus douces heures de mon enfance ; la bardane enfin, si égalitairement décorative, qui seule dispute au chardon cette gloire de fleurir, sans que les hommes y soient pour rien, le seuil rustique de la ferme et les marches disjointes des vieux perrons seigneuriaux.

Aussi éprouvai-je, l’autre jour, un sentiment d’agréable surprise, lorsque, dans le modeste restaurant où, pour égayer les mélancolies de l’âge mûr au contact d’une insouciante jeunesse, je prends quelquefois mes repas — restaurant fréquenté par de futurs peintres coiffés en empereurs romains, et par de petites ouvrières que leur vertu n’enrichit point — je vis entrer un personnage mi-bohème, mi-paysan, qui jeta sur le sol un sac terreux et nous proposa de lui acheter ses bardanes.

— Des bardanes ?

— Voyez plutôt : des bardanes mâles !… Cueillie fin mars, en pleine sève, la bardane mâle est souveraine.

Et, tirant du sac entr’ouvert trois ou quatre bottes de longues racines jaunes, il se mit,