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LA SENTINELLE

L’homme, immatriculé sous le no 1043, s’appelait de son vrai nom Thomas Bernique. Né à La Fère-en-Nivernais, assez agréable village, il était avant son incorporation ouvrier de terre et bûcheron.

Depuis six mois au plus, sans enthousiasme comme sans ennui, Thomas Bernique exerçait l’état militaire. Il regrettait les champs, cependant Paris lui plaisait. Et, sauvageon mal déraciné, sentant encore la glèbe et la luzerne, au travers des rares loisirs que lui laissaient l’exercice et la théorie, il promenait sur un monde nouveau pour lui des regards à la fois étonnés et sympathiques.

Le fusilier Bernique, cherchant à comprendre leur utilité, avait déjà monté bien des gardes : par exemple devant des portes toujours fermées, faites d’un cœur de chêne si dur, et si solidement verrouillées, qu’elles se fussent de reste gardées toutes seules ; devant des monuments de pierre et de bronze que vingt mille hommes, leurs forces unies, auraient au peine à ébranler ; et, dans son raisonnement villageois, Bernique, ne trouvant rien de mieux, en avait conclu que probablement les sentinelles