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LES TROIS MERLES

Mais le poète ou l’amoureux trouvera un retrait tout à fait charmant sur les rives du petit lac, centre de la verte oasis qui, entre une maison de garde enfouie sous l’assaut des lierres et l’orangerie transformée en Musée, occupe l’angle nord-ouest du Jardin.

On ne rencontre là jamais personne, sauf un planton mélancolique, en grande tenue de planton, avec la giberne astiquée, le bidon couvert de drap bleu, le gobelet de fer en bandoulière, qui, surveillant je ne sais quoi, et songeant peut-être à son village, contemple tout le long du jour le décor doucement rustique, où, comme trace de civilisation, n’apparaît qu’un Vénus Anadyomène, très vieille d’ailleurs et pareille, sur son fût de colonne, à ces déesses qui verdissent au fond des parcs abandonnés. C’est, au milieu de l’île, un antique saule pleureur qui, depuis longtemps, n’a plus la force de pleurer, ébranché, foudroyé, en train de mourir, et dont les rameaux noirs, tourmentés de mutilations innombrables, se détachent en silhouette, dans un nuage de vague verdure ; c’est un aubépin, riche parent mais proche parent du modeste