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FRTQUETTES ET FRIQUETS

le thym, le poivre d’âne et la lavande mettaient dans l’air un tel encens et attiraient un si grand nombre d’abeilles ; il faisait si sombre, si frais, si tranquille tout au fond ; et, derrière l’étroite fenêtre, le paysage apparaissait si limpide, que le lépreux était bien vite oublié et qu’aujourd’hui encore ce seul nom de Saint-Lazare suffit à évoquer en moi une délicieuse vision de paresse et de poésie.

Autre est le Saint-Lazare parisien.

En haut du faubourg : une maison triste, moitié hôpital, moitié prison ; un grand portail profond barré d’une grille qui parfois s’entr’ouvre pour laisser entrer ou sortir des voitures closes et silencieuses. Quant à l’intérieur, sans l’avoir vu, je me le figure volontiers pareil à La Force de la Salpêtrière, à cette cour de Manon, ainsi nommée en souvenir de l’héroïne de l’abbé Prévost et d’un aspect à glacer le cœur, quand on songe que des femmes y furent enfermées, avec son puits, son large pavé toujours humide et ses hautes bâtisses noires qui, éteignant la douce lumière du ciel, ne laissent tomber d’entre les toits qu’un reflet pâli et décoloré