Page:Arène - Friquettes et friquets, 1897.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
273
L’ÉMEUTE

Tout à coup au bas de la grande allée, ils entendirent le jet d’eau chanter, et, sortant de leur rêverie, ils s’aperçurent qu’ils étaient seuls.

Oui ! seuls au milieu du jardin immense où le crépuscule tombait, plus seuls en plein Paris que dans un bois sauvage !

Tous les promeneurs, dont le va-et-vient anime d’ordinaire à cette heure les Tuileries, se pressaient là-bas sur les terrasses pour voir la manifestation. Pas âme qui vive, un désert ! Les gardiens à moustaches blanches, les gardiens eux-mêmes manquaient.

Sombre du côté de la Seine, le jardin, vers la rue de Rivoli, laissait voir entre ses arbres et ses grilles l’illumination des boutiques ; et, troublés dans leurs habitudes par ce vide inattendu, les pigeons ramiers, les corneilles descendaient des branches.

Une timidité les prit. Ils demeurèrent sans rien dire.

Puis, toute rouge, tombant dans ses bras :

— J’ai peur, dit-elle, partons vite !

Et, tandis qu’au loin la voix populaire grondait, dans cette oasis de silence où l’eau