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L’ESTURGEON

nant Saint-Sulpice sont, dans le Sahara gastronomique de Paris, les seules oasis où se puisse en carême faire un bon maigre, préparé ainsi qu’il convient par une servante d’évêque, arrosé de vin nécessairement pur, car nulle sophistication ne saurait tromper des gosiers chrétiennement habitués à l’impeccable vin de messe, et agrémenté de ces pâtisseries, pâtés de truite, de saumon et autres canoniques béatilles que des artistes spéciaux préparent à l’intention des gens qui aiment se mortifier.

Le repas, qui fut exquis et silencieux, toute cette prudente clientèle glissant à pas menus et s’entretenant à voix basse, le repas une fois achevé, Xavier Luc se souvint du caviar et éprouva le besoin d’interroger Savinien.

— Au fait, là, pourrais-tu me dire pourquoi tu ne manges jamais de caviar ?

— Mon Dieu, répondit Savinien, la cause en est simple : c’est tout bonnement parce que le caviar, s’il faut en croire les données actuelles de la science, est fait avec les œufs de l’esturgeon, et parce que, si le caviar te rappelle tes beaux jours heureux et glorieux d’attaché