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CONTES DE PROVENCE

Lorsque Peu-Parle eut achevé, lorsqu’il eut lié la charge de l’âne, il profita d’un reste de jour pour faire un feu de brindilles entre trois pierres et préparer une omelette d’œufs dénichés au poulailler et de fines herbes que nous cueillîmes. Puis on s’installa par terre sous la treille, qui, entre ses ceps tortus pareils à de grands serpents noirs, laissait passer le regard des premières étoiles. La nuit était venue, et Peu-Parle n’avait pas apporté de lanterne, ne croyant pas rester si tard.

Peu-Parle, sans perdre un morceau, raisonnait des choses de la terre, et blâmait mon père sévèrement de conserver deux amandiers poussés au hasard dans sa vigne.

« Le soleil crée le vin, et la vigne ne veut que l’ombre de l’homme !… »

Moi je ne mangeais pas, je ne comprenais guère ; à mon chagrin s’ajoutait la mélancolie de ce long dîner dans le noir.