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CONTES DE PROVENCE

de l’herbe des tombes, — creusant tout le long du jour une éternelle fosse. Un grand tilleul faisait ombre au milieu ; et quand il avait défleuri, nous en mangions les graines molles et douces que nous appelions le pain des morts. Nous rêvions aux morts — à cause de ce pain — une existence de sous terre non pas effrayante précisément, mais vague, paresseuse et mystérieuse.

Quelquefois les cloches sonnaient à l’église. Alors on disait dans la ville :

« Le vieux Catignan a trépassé, la vieille Ravousse a rendu l’âme. »

On racontait les circonstances. Son testament signé, le vieux Catignan avait beaucoup remercié le notaire ainsi que les messieurs venus comme témoins ; et puis, pour montrer son usage du monde, il avait soupiré, croyant citer du latin :

« Siou mor, mortus ! Siou mor, mortus ! » et il était mort…

Quant à la Ravousse, elle gardait, paraît-il, dans sa table fermée, une robe