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CONTES DE PROVENCE

il ne resta plus caillou ni racine, alors, du revers de l’outil, doucement, il l’aménagea en pente douce pour que l’eau du réservoir pût y courir. Le terrain aménagé, il prit un long cordeau muni à ses deux bouts de chevillettes, planta les chevillettes en terre, tendit la corde et traça, parallèles au front du champ, une, deux, trois, cinq, dix rigoles aussi régulièrement espacées que les lignes d’une portée musicale sur les parties de l’orphéon de Pertuis. Puis, tout ainsi réglé, Pitalugue reprit une par une ses rigoles et, l’air attentif, un genou en terre, il sema.

« Semons du vent, murmurait-il ; c’est, quoi qu’en dise Monsieur le curé, le seul moyen qui me reste aujourd’hui de ne pas récolter la tempête. »

Et Pitalugue, en effet, semait du vent. C’est pour prendre du vent, disons mieux c’est pour ne rien prendre du tout que, de trois secondes en trois secondes, il envoyait la main à sa gibe-