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CONTES DE PROVENCE

au piège par des paysans que ses rapines exaspéraient, on lui avait crevé les yeux et puis on l’avait lâché à travers champs, aveugle, avec un grelot au cou, pour que l’horreur de son supplice servît d’exemple aux autres renards.

Errant et lamentable, mourant de faim et d’abandon, après sa rencontre avec Bartoumiou, les gens de la ferme le recueillirent. Il se trouvait bien à la ferme, il engraissait, le poil redevenait luisant, parfois même, poussé par l’instinct, il se dirigeait à tâtons vers le coin de la cour où loge la volaille.

« Tenez, regardez, il y va ! »

En effet, à un chant de coq, Sans-Malice s’était dressé, museau tendu, l’oreille en pointe ; il alla d’abord du côté de la porte, mais il se cogna contre un meuble ; et alors, assis sur son train de derrière comme Bartoumiou l’avait vu, hésitant, ne comprenant pas, essayant encore, essayant toujours de chasser, le nuage rouge qui lui fait une nuit éter-