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L’HOMME VOLANT


J’ai connu un homme volant, — la race des hommes-volants n’est pas près de disparaître de ce monde ! — il s’appelait Siffroy (d’Antonaves), il était berger de son état.

La nuit, menant les moutons sur la montagne, Siffroy regardait toujours en l’air. Depuis son enfance, l’espace l’inquiétait : l’espace, l’infini du bleu piqué d’étoiles. Il aurait voulu monter là-haut, comme les aigles, comme la fumée de son feu. Pourquoi ? pour rien… Du moins, il ne savait pas.

Un jour, à l’auberge, c’est la première fois qu’il y entrait, Siffroy remarqua une vieille image représentant un homme dans un grand panier qu’emportait vers le ciel un globe immense. Le globe planait au-dessus des nuages. En bas, la terre semblait une fourmilière, avec des villes, des champs de blé, des ponts, des rivières, des routes. L’homme du panier tenait un drapeau. Siffroy se fit expliquer ; et depuis il se voyait toujours en rêve, lui, Siffroy (d’Antonaves) tenant un drapeau, au-dessus des nuages, dans un grand panier.

Certain samedi, jour de marché, Siffroy descendit à la ville. Il avait deux écus en poche. Arrivé au Portail peint, il s’informa auprès du préposé de