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LE BON VOLEUR DE GIROPEY


… J’étais alors écolier, et je descendais à pied de Sisteron pour m’en aller passer mes vacances à la tuilerie du pont de Manosque. Parti assez tard, et flânant en route, j’arrivai à Giropey lorsque le soleil se couchait. Je résolus de fixer là mon gîte d’étape. La beauté de l’endroit m’invitait au repos ; trente kilomètres avaient lassé mes jambes ; un poétique spectacle, fait pour séduire une âme jeune comme était la mienne, acheva de me décider.

Sur le banc de pierre de l’auberge, un grand vieillard était assis au milieu d’un groupe d’enfants ; il leur racontait je ne sais quoi, et à tout moment l’auditoire éclatait de rire ; puis, quand les rires étaient finis, le vieillard recommençait à parler de sa belle voix dont les paroles m’échappaient, mais qui m’arrivait sonore et douce.

M’approchant, je vis qu’il était aveugle, aveugle comme Homère devait l’être, de cette cécité des vieillards qui laisse aux yeux toute leur limpide beauté. Les rayons roses du couchant jouaient dans ses longs cheveux plus blancs que neige, et, la tête pleine de souvenirs classiques, je crus un instant contempler le vieux Nestor.

Ce n’était pas Nestor, c’était Charavany ! Oui,