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LES CLOUS D’OR

la porte, se souvenant des paroles de jadis, elle s’écria :

— Courez, mes enfants, courez vite au-devant de mon pauvre homme qui s’en revient de la guerre, sans doute, hélas ! bien maltraité.

Mais, comme à ce moment, au détour du sentier, Jean Bénistan, aussi fier qu’un roi, apparaissait sur son cheval que le moricaud tenait en bride, elle ajouta, presque évanouie :

— Dieu soit loué ! il a ses bras, il a ses jambes… Ces clous d’or m’avaient fait grand peur.

Et Bénistan disait en l’embrassant :

— Oui j’ai mes jambes, oui j’ai mes bras, mais tellement meurtris et blessés qu’ils ne veulent plus que le repos… Désormais, Tardive, tu peux être tranquille… Sors pour moi le fauteuil, là, devant la porte, sous la vigne… et mets le vieux chat sur mes genoux…

À force de peine et de travail, pendant l’absence de Bénistan, Tardive était redevenue presque riche ; et lui possédait des trésors.

Maintenant, si vous passiez par mon village, je pourrais vous montrer intacte, — le brave homme s’y trouvant bien, ne voulut jamais en habiter d’autre, — la cabane de Jean Bénistan. La porte existe toujours. À vrai dire, les clous d’or manquent. Mais on voit la place des trous.