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LES CLOUS D’OR

sur une tartane ; et, s’étonnant de ne pas être chargé de chaînes selon l’usage, il s’aperçut qu’il avait les deux bras cassés chacun d’un coup de feu et les deux jambes tailladées d’une infinité de coups de sabre, ce qui rendait toute espèce de liens parfaitement inutile.

Alors, pensant aux dernières paroles de Tardive :

— Maintenant que me voilà sans bras ni jambes, espérons que notre porte aura bientôt des clous d’or.

Et les bons Sarrasins n’en revenaient pas, massacré comme il était, de le voir sourire.

La tartane accosta sous les remparts d’une ville blanche, autour de laquelle il y avait une plaine de sable, un cimetière sans murs et un petit bois de palmiers.

Jean Bénistan, prenant son parti des lois de la guerre, croyait qu’on allait le mettre à mort ou tout au moins le faire esclave. Mais le roi de ces Barbaresques, superbe vieillard à longue barbe, voulut d’abord qu’on le guérît ; après quoi, plein d’admiration pour son courage, il lui proposa d’être pacha, ce qui, là-bas, signifie général.

Bénistan répondit qu’un chrétien ne se bat pas contre des chrétiens. Mais le roi lui ayant affirmé par serment qu’il s’agissait surtout d’aller guerroyer contre les nègres idolâtres, le bon Bénistan accepta.

Pendant des années et des années, Bénistan se couvrit de gloire dans des pays lointains et brûlés, sans avoir jamais aucune nouvelle de France.

À la fin, pourtant, il obtint son congé et la permission de repartir accompagné d’un serviteur maure qui l’aidait à monter sur son cheval et à en