Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais Roset se reprenant à rire :

— « Préférerais-tu que ce fût moi ?

— Oh ! non, Roset, car maintenant je sais que je t’aime.

— Enfin ! s’écria-t-elle en mordant à même une figue. Il est bien heureux pourtant que je sois morte, sans cela, Jean-des-Figues, tu ne t’en serais jamais aperçu. »

Roset avait raison : alors seulement, pour la première fois de ma vie, je compris combien je l’aimais. Et mon bonheur en vain poursuivi jusque-là, eût été le plus complet du monde, si au milieu de notre ivresse je n’avais entrevu, symbole touchant de l’instabilité de toute affection terrestre ! ce bon Balthazar qui, la première émotion passée, s’était mis, sans remords, à brouter un chardon superbe poussé sur la tombe de son ami.


Sisteron, Juillet-Août 1868.