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je rentrai à Canteperdrix, harassé, la tête perdue, sentant mille débris se heurter dans le naufrage de ma raison : noires épaves de mes systèmes fracassés, beaux rêves réduits en miettes, qui flottaient et roulaient sur l’eau, lamentables et magnifiques, pareils aux poulaines dorées des vaisseaux du roi après le désastre de la Hogue.

Comme je refusais toute explication sur les motifs de mon absence, mon père me justifia aussi bien qu’il put, et les préparatifs du mariage recommencèrent de plus belle. Je n’eus pas même le courage de rompre, j’étais entièrement incapable de volonté.

Une idée fixe me tenait : si Roset était morte ! Mon père s’effrayait de me voir toujours, disait-il, dans la lune. Ce mystérieux voyage avec un inconnu, la tristesse que j’en avais rapportée, tristesse inexplicable au moment d’épouser celle que j’aimais, tout en ma conduite paraissait au pauvre homme incontestables symptômes de folie ; il se rappelait avec désespoir l’accident survenu à mon enfance par la faute de Blanquet, et plus d’une fois les larmes me vinrent aux yeux de le voir, d’un air accablé, secouer la tête en me regardant.

Un jour, à la Cigalière, je m’aperçus que la terre avait été remuée de frais autour du figuier. Pourtant la saison ne valait rien pour fouir. Je m’informai :

— « Ce sont des bohémiens, me répondit mon père, qui ont enterré quelque chose là, un matin…