Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous tant que nous étions de ses domestiques, nous sortîmes des lieux, où nous étions cachés, et nous accourûmes à lui fort affligés. Quoique Thrasile fût venu à bout de son dessein, et qu’il fût fort aise de s’être defait de celui qu’il regardoit comme son ennemi, il cachoit néanmoins sa joie sous un visage triste ; il ride son front, contrefait l’affligé, et embrassant avec transport ce corps qu’il avoit lui-même privé de vie, il fait toutes les démonstrations d’une violente douleur, à ses larmes près, qu’il ne put jamais faire couler. Se conformant ainsi à l’affliction véritable, que nous ressentions, il rejettoit faussement sur le sanglier le crime qu’il avoit commis lui-même.

A peine cette action venoit-elle d’être exécutée, que le bruit d’un si grand malheur se répand de tous côtés, et parvient aussi-tôt dans la maison de Tlépolême, et jusqu’aux oreilles de sa malheureuse épouse. Elle ne sait pas plutôt cette nouvelle, qui étoit la plus cruelle qu’elle pût jamais apprendre, que l’esprit tout égaré, et comme une bacchante en fureur, elle se met à courir par la ville au milieu du peuple, et de-là dans les champs, faisant des cris terribles et pitoyables sur la malheureuse destinée de son mari. Les bourgeois affligés accourent par troupes, et tous ceux qui la rencontrent la suivent, mêlant leur douleur à la sienne ; enfin tout le peuple sort de la ville pour voir ce funeste spectacle. Carite