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voleurs, par l’adresse et la valeur de son époux, il se mêle parmi ceux qui les venoient féliciter, marquant une joie extraordinaire de ce qu’ils étoient hors de danger, et de l’espérance qu’on avoit de voir dans la suite des fruits de cet heureux mariage. Il eut entrée dans la maison, et y fut reçu entre les plus considérables qui la fréquentoient, à cause de sa naissance, et dissimulant ses pernicieux desseins, il y jouoit le personnage d’un ami très-fidèle.

Se rendant agréable, et se faisant aimer de plus en plus chez nous, par l’assiduité, qu’il avoit à y venir converser tous les jours, y mangeant même quelquefois, l’amour, sans qu’il s’en apperçût, le précipita peu-à-peu dans un abîme de malheurs, et cela n’est pas surprenant ; car les feux de ce Dieu cruel, étant peu de chose dans les commencemens, échauffent agréablement, mais se nourrissant dans la suite, par l’habitude de voir l’objet qui les a fait naître, ils deviennent violens et terribles, et consument ceux qui les ressentent.

Thrasile cependant rêvoit depuis long-temps en lui-même comment il pourroit trouver quelque occasion favorable pour parler du moins à Carite en particulier. Il voyoit par la quantité de monde qui étoit toujours autour d’elle, que les moyens de conduire sa passion criminelle lui devenoient difficiles de plus en plus. Il considéroit encore qu’il n’étoit pas possible de rompre les liens d’un amour nouveau,