Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tu as bien pu le frapper souvent lui-même, pourquoi n’as-tu pas eu la même vigueur pour le défendre, quand on en vouloit à sa vie ? Tu devois bien au moins l’emporter avec vîtesse, et le tirer des cruelles mains du voleur qui l’attaquoit ; enfin tu ne devois pas t’enfuir seul, comme tu as fait, après avoir jetté par terre ton protecteur, ton conducteur, ton camarade, et celui qui avoit soin de toi. Ignores-tu qu’on punit aussi ceux qui refusent leur secours aux malheureux, qui sont en danger de périr, parce qu’ils péchent contre la justice et les bonnes mœurs ? Mais, homicide que tu es, tu ne te réjouiras pas plus long-temps de mon infortune ; je vais faire en sorte que tu connoîtras que les grandes afflictions donnent des forces.

En achevant ces mots, elle détache sa ceinture, et me lie les pieds ensemble, tant qu’elle peut, afin de m’ôter les moyens de me venger ; et prenant une grande perche qui servoit à fermer la porte de l’écurie en-dedans, elle se met à me battre, et ne cesse point, jusqu’à ce qu’étant lasse, et ne pouvant plus soutenir ce grand bâton, il lui tomba des mains. Alors se plaignant de la foiblesse de ses bras, elle court chercher du feu ; et apportant un tison ardent, elle me le met entre les cuisses, jusqu’au moment que, me servant du seul moyen qui me restoit pour me défendre, je lui emplis les yeux et tout le visage d’ordure (25), et fis cesser par-là le mal qu’elle