Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perte d’un jour ; mais je ne pus même, pendant ce peu de temps, lui avoir l’obligation de jouir de quelque repos ; car la mère de ce jeune homme, pleurant sa mort prématurée, accourt vêtue d’une robe noire, faisant des cris lamentables, et s’arrachant ses cheveux blancs, tous couverts de cendre. Elle se jette dans mon étable, en se donnant plusieurs grands coups sur la poitrine, et criant dès la porte : Quoi ; ce maudit âne est là tranquillement la tête dans son auge, à satisfaire sa gourmandise, et à se remplir continuellement le ventre, sans se mettre en peine de mes déplaisirs, et sans se souvenir de la cruelle destinée de celui qui avoit le soin de le conduire. Il semble au contraire qu’il me méprise, à cause de mon peu de force et de mon grand âge ; il s’imagine peut-être qu’un crime aussi énorme que le sien, demeurera impuni : peut-être même a-t-il l’audace de vouloir passer pour innocent ; car c’est l’ordinaire des scélérats, d’espérer l’impunité de leurs mauvaises actions, malgré les reproches que leur fait leur conscience. De par tous les Dieux ! animal le plus méchant qu’il y ait au monde, quand même l’usage de la parole te seroit accordé pour quelque temps, quel est l’homme assez simple, à qui tu pourrois persuader qu’il n’y a point de ta faute dans le malheur qui vient d’arriver ? Ne pouvois-tu pas t’opposer au meurtrier de mon malheureux fils, et le chasser avec les pieds et avec les dents, puisque