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l’heure du matin venue, ce jeune garçon qui étoit mon bourreau, me remene à la montagne, comme à l’ordinaire. Après qu’il m’eut attaché à la branche d’un grand chêne verd, il s’écarte un peu du chemin, et se met à abattre du bois avec sa coignée pour me charger. Alors un ours terrible sort tout d’un coup de sa caverne, qui étoit près de-là ; dans le moment que je l’apperçus, tout tremblant et tout effrayé, je me laisse aller sur mes jarets, et haussant la tête, je romps le licou qui me tenoit attaché, et je prends la fuite. Je descends la montagne bien vîte, non-seulement avec les pieds, mais même avec tout le corps en roulant ; je me jette à travers champs, et me mets à courir de toute ma force, pour me sauver de cet ours effroyable, et de ce valet encore plus méchant que l’ours même.

Un homme qui passoit, me voyant seul errer à l’avanture, me prend, saute sur moi, et me frappant d’un bâton qu’il tenoit, me fait marcher par des endroits détournés et solitaires. C’étoit de bon cœur que je courois, évitant ainsi la cruelle opération qu’on avoit résolu de me faire. Au reste, je me mettois fort peu en peine des coups de bâton qu’on me donnoit, parce que j’étois accoutumé à en recevoir ; mais la fortune, toujours attachée à me persécuter, s’opposa bientôt à l’envie que j’avois avec tant de raison de fuir et de me cacher, pour me livrer à de nouvelles peines. Car les pâtres, dont j’ai parlé,