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la parole : C’est grand dommage, dit-il, de tuer une si belle bête, et de se priver du service si utile qu’on en peut tirer, parce qu’il est accusé d’être vicieux, puisque d’ailleurs, en le châtrant, nous pouvons le rendre sage, et nous mettre à couvert par-là des dangers où il nous expose, outre qu’il en deviendra plus gras, et prendra plus de corps. J’ai vu plusieurs chevaux très-fougueux, que leur ardeur pour les jumens rendoient furieux et indomptables, et que cette opération a rendu doux, traitables, propre à porter des fardeaux, et à faire tout ce qu’on vouloit. Enfin, à moins que vous ne soyez d’un autre sentiment que le mien, pendant le peu de temps que je mettrai à aller au marché, qui n’est pas loin d’ici, où j’ai résolu de faire un tour, je puis prendre chez moi les instrumens nécessaires, pour faire ce que je viens de vous dire, et revenir aussi-tôt couper ce vilain animal qui est si furieux, et le rendre plus doux qu’un mouton.

Me voyant délivré de la mort (23), par l’avis de ce berger, pour me réserver à un supplice très-cruel, j’étois bien affligé, et je pleurois comme si j’eusse dû périr entièrement, en perdant une partie de mon corps. Enfin il me vint en pensée de me faire mourir moi-même, en m’abstenant de manger, ou en me jettant dans quelque précipice ; c’étoit mourir, à la vérité, mais au moins c’étoit mourir entier. Pendant que je rêvois quel genre de mort je choisirois,