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quand, continua-t-il, nourrirons-nous ce boute-feu, qui ne nous rend aucun service.

Au bout de quelques jours, il imagina de plus grandes cruautés, pour me tourmenter. Après avoir vendu le bois que j’apportois à la première cabane que nous rencontrâmes, il me ramena à vuide, criant de toute sa force qu’il lui étoit impossible de s’aider de moi, tant j’étois méchant ; qu’il renonçoit au pénible emploi de me conduire. Voyez-vous, disoit-il, cet animal tardif et pesant, plus âne encore par son incontinence que par sa paresse, outre toutes les peines qu’il me donne ordinairement, il m’en cause encore de nouvelles, par le danger où il m’expose à tout rnoment. D’abord qu’il voit quelques personnes (22) dans les chemins, soit un jeune garçon, soit une femme, jeune ou vieille, il n’importe, il jette sa charge à terre, et quelquefois même son bât, et court à elles, comme un furieux, avec des intentions abominables, et les ayant renversées par terre, avec sa grande vilaine bouche il leur mord le visage, ce qui est capable de nous attirer des querelles et des procès, et peut-être même quelque affaire criminelle. La dernière fois, ce dépravé voyant une honnête jeune femme, jetta de côté et d’autre le bois dont il étoit chargé, fut à elle avec impétuosité, et la renversa dans la boue. Heureusement quelques passans accoururent aux cris qu’elle faisoit, et la retirèrent toute tremblante du